Extraits de "Répliques"
Antoine vivait dans un studio qui rappelait la cabine d’un clipper confortable au rez-de-chaussée d’une petite résidence, avec une terrasse encombrée de lianes et de lauriers roses, de lilas et de chèvrefeuilles odorants. C’était pour lui les vacances idéales loin des tumultes de l’université de géographie et d’histoire, à Bordeaux. Il ne se passionnait guère que pour les découvertes des archipels perdus au milieu des océans et des aborigènes barbus et farouches de l’Océanie qui le verraient sûrement un jour débarquer sur un grand voilier bleu et blanc. En attendant d’être prêt, il écrivait sur des petits carnets toutes sortes d’histoires où chaque fois, des femmes insolites et troublantes manœuvraient tous les audacieux qui s’approchaient de trop près. Il y avait Julie et ses fantasmes d’homme idéal chaque fois repoussé sur le fil, Mathilde et son goût pour les hommes brillants et fortunés qu’elle consommait jusque dans leurs bureaux de prestige, Eléonore qui disait la bonne aventure à tous ses prétendants pour les mettre à l’épreuve et leur promettre par jeu, des bonheurs impossibles (Page 9 /102)
Lucie chantait dès le matin un air de Brahms écouté dans la semaine, une petite danse Hongroise légère et joyeuse comme le printemps qui arrivait au bout de la quinzaine. Elle fêterait son anniversaire ce soir au théâtre après le spectacle, se laisserait applaudir avec plus de joie encore, découvrirait presque avec un peu de surprise un bouquet de fleurs écarlates, ses camarades chanteraient “ Y’ a d’la rumba dans l’air ”. Philippe ne serait pas loin et peut être, le directeur ferait un discours pour la remercier de remplir si bien la salle ; il y aurait aussi un photographe, certainement. Lucie fermait les yeux pour se réjouir de tout cela à l’avance. Etrangement, elle crut un instant revoir Antoine plonger dans l’océan. (Page 34 /102)
Dôle de journée pour Lucie qui ressassait ces derniers mois où tout était allé trop vite comme une vie en accéléré, presque vertigineuse. Le succès l’avait pourtant quasiment foudroyée. « Lola » lui avait appris les fulgurances, la domination, le triomphe sur les hommes, les applaudissements qui ne visaient qu’elle et pas seulement une troupe de théâtre. Elle respirait plus lentement dans Paris, errant dans le quartier des théâtres cherchant sans doute inconsciemment, un sourire, un petit geste amical, une caresse sur le bras, un café à partager, peut être le reste d’une amitié pas tout à fait consommée, une affiche avec des noms connus pour rester attachée à ce petit monde qui s’enfuyait. Paris la submergeait bien plus sûrement que l’océan où des vagues scélérates pouvaient, elles aussi l’emporter vers le fond. Pas un signal, pas un appel sur son vieux répondeur pour reprendre son souffle et lui donner l’occasion de presque sourire. Elle regardait les affiches tapageuses sur les colonnes Morris désespérément vides de son nom. Le silence l’entourait de partout, à chaque moment (Page 54 /102)
Hugo
Ho, grand dieu, ce que je viens d’entendre, est-ce possible ?
Marianne
Oui c’est ainsi, je suis une coupable impassible
Une harpie, une femme sans aucune pitié
La plus grande scélérate qui ait jamais existé
Chacun des moments de votre vie, je veux les salir
Et n’être partout que pour vous enlaidir
Toutes vos tentatives d’aimer connaîtrons mon courroux
Et comme une criminelle vous m’aurez toute entière, chez vous
Hugo
Pourquoi cette colère permanente en vous ?
N’avez-vous aucun répit pour les autres et pour nous ?
Marianne
Quoi ? Feindre la douceur, être une âme hypocrite ?
Vous m’aviez promis des monts et des merveilles
Des voyages dans le monde et des îles nouvelles
Je n’en vois point que deux fois par an, pas davantage
N’ai-je jamais mérité d’avoir plus en partage ?
Nous étions convenus de visiter le monde
Et vous hésitez à m’amener, devant tout le monde (Page 98 /102)
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